Portrait de facilitatrices: Lise

28 Octobre 2018

Un jeune, par Lise, facilitatrice et dessinatrice

Lise est une des facilitatrices de Novagora.

Je ne l’aime pas trop parce qu’elle m’a doublé : en me croquant au crayon avant que je ne la dessine avec des mots. Voir le dessin là-haut. C’était un jour de pique-nique démocratique à l’école. Autant dire qu’il n’y avait rien d’intéressant à becqueter ni à boire. Du coup, je me suis affalé dans un canapé Emmaüs aux ressorts défoncés qui te mass(acr)ent le coccyx, avec un livre pour faire bien et au titre pompeux pour faire intello. Je crois qu’il s’agissait d’un bouquin d’Emmanuel Kant. Ou de Naruto. Je ne m’en souviens plus, n’ayant évidemment rien compris à ces deux univers.

Je ne l’aime pas non plus Lise parce qu’elle dessine mal. Elle ne sait visiblement pas croquer les jeunes, alors qu’elle avait sous le crayon un modèle extra avec sa bonne mine (la mienne, pas celle du crayon). Là, sur l’esquisse, au début de ce chef d'oeuvre, je ressemble à un quinquagénaire, c’est nul. En plus, si vous regardez mes pieds, vous constaterez qu’elle ne sait pas dessiner les chaussures. On dirait que je suis en chaussettes, alors que j’ai horreur d’être en chaussettes. J’ai l’impression d’être nu et je suis très pudique. Quand je pense que c’est peut-être Lise qui apprend à dessiner à Solenn, je parkinsonne.

En dehors de la partie graphique, je l’aime bien Lise. Mais je ne sais pas pourquoi. Elle a certes contribué à sauver ma fille, et ce n’est pas rien quand on sait d’où l’on vient. D’ailleurs, quand Solenn évoque Lise, le soleil se lève dans son regard et quelqu’un qui fait briller les yeux de ma fillotte ne peut pas ne pas être quelqu’un de bien. CQFD

Et j’avoue que j’aime bien tirer le portrait des gens que j’apprécie. Bon, je ne la connais que trop peu, et faire un portrait dans ces conditions, ça ne va pas être fastoche. Je vais donc faire une esquisse. Sortez les gommes.

Age de Lise

Lise est très jeune pour être professeuresse. Tellement jeune qu’on pourrait la confondre avec un Membre. Parmi les plus vieux certes, mais tout de même. C’est peut-être pour cela aussi que nos gosses l’apprécient. La première fois que je l’ai vue – c’était pour la rentrée 2017 - je lui ai demandé :

- Bonjour, tu t’appelles comment bout d’chou? Tu es en quelle classe ? Areuh areuh areuh ?

Elle m’a regardé bizarrement et sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi. Aujourd’hui, j’ai tout compris et jamais plus je ne ferai preuve d’un âgisme dépassé avec mes prochains enfants. Pour le gâtisme, nous verrons bien. Et puis Lise n’est pas professeur. Elle n’en a pas les diplômes. Elle n’en a que le talent et je crois bien que c’est cela l’essentiel.

Chaussettes-claquettes

Les Lise sont en général rebelles, voire révolutionnaires pour celles qui ne sont pas végétariennes (Normal : quand tu coupes des têtes, le sang gicle partout et c’est vomito). La preuve, c’est que notre Lise à nous, c’est la seule qui circule dans l’école avec des shoes ! Alors même que le règlement l’interdit. Enfin si tant est que l’on puisse parler de pompes quand il s’agit de sandales Birkenbeurk, dont la laideur ferait passer tout dessin de Naruto pour une estampe japonaise. Sandales, et c’est un scandale, dont les semelles sont en liège, cette matière « naturelle » issue de l’écorçage à vif de chênes centenaires dont les cris lugubres hantent les nuits lusitaniennes des banlieues forestières de Lisbonne (Lis.ebonne en inclusif). Personnellement, la vue d’arbres écorchés vifs me rend triste, voire légèrement anti GCO, sauf quand je suis coincé sur l’A35 le matin ET le soir pendant des heures, seul dans ma voiture ce qui n’est pas très intelligent. Et s’il m’arrive parfois de me réconforter à grands verres de jus de bouleau, après avoir saigné ces arbres des steppes dans mon jardin, je le fais toujours les yeux bandés et avec des boules Quiès dans les esgourdes, parce que si le cri du chêne est insupportable, le cri du bouleau, je ne vous dis pas.

Le plus embêtant chez Lise, c’est que dans son portrait officiel brossé sur le site de Novagora, il est écrit qu’elle aime marcher pieds nus. C’est bien ce que je pensais. Lise est une rebelle. Mais une rebelle contradictoire.

Rebelle et discrète : je crois que c’est elle qui a lancé la mode des chaussetttes/claquettes dans les milieux branchouilles et sportifs. Mais elle n’en dit rien, préférant laisser la primauté de cette trouvaille à un footballeur célèbre qui sortait du vestiaire ainsi accoutré parce qu’il avait oublié ses mocassins Adidas à 12000 balles dans le jet privé, quel étourdi !

Etymologie

Lise est le diminutif d’Elise. Et Lise est généralement apparenté au prénom Elisabeth. En hébreu, la forme ancienne Elisheba signifie "Dieu est plénitude". C’est très joli, sauf si l’on ne croit pas en Dieu, je ne sais pas si c’est possible. Ah, si, on me dit que c’est possible de ne pas croire en Lui, notamment quand on survit mais à peine au Yemen, au Vénézuela, au Kurdistan, en Corée du Nord, en Syrie et j’en passe de meilleurs, c’est une façon de parler. Je m’arrête là sur Dieu, c’est trop personnel. En plus, je ne l’ai jamais rencontré. Contrairement à Lise. Et je préfère écrire sur des gens que j’ai déjà vus.

En Alsacien ancien, Lise se dit Lisse. Et en alsacien moderne aussi d’ailleurs. Un exemple valant mieux que de longs discours, Lisez plutôt ce qui suit, c’est étonnant.

- Lise ? Peux tu me prêter tes Birkenstock qui sont dans ta chambre s’il te plaît? (c’est en français)

- Ach Lisse, können tu me brêter des Birkenbeurksheim gui zont tans da Zimmer, hopla ? (c’est en alsacien ancien, mais modernisé)

Etonnant donc. Et à double titre, puisqu’on peut déduire de cette scénette désormais culte que le patronyme de Lise est Zimmer. Sacrée démonstration. Je crois que je vais postuler pour la médaille Fields.

En breton, j’y tiens, Lise signifie… Lycée ! La preuve juste après, merci ki ? Merci Wiquipedia.

"Vit mont d’al Lise e-pad ar mizioù du e kemeran ar bus". Ce qui signifie en breizh: "Pour aller au lycée pendant les mois noirs [novembre et décembre], je prends le bus".

(Jef Gedez, Huñvreoù Pêr Mortolod, An Alarcʼh Embannadurioù, 2005, p. 56)

Ouf ! Un espoir ténu de voir un jour Novagora se transformer en école classique avec vrais professeurs, estrades, cours, notes et tout et tout. Je revis. Merci Lycée ! Zut, Merci Lise.

Certaines Lise sont Beth, à condition d’avoir Claire pour maman, et la plupart ont une forme d’intelligence très marquée mais peu reconnue par l’Education Nationale.

Les Lise qui vivent dans le 7ème arrondissement de Paris se nomment Elysée, c’est beaucoup plus chic dans les cocktails branchés du n°1 passage d’Osthouse à Strasbourg.

Patronyme

Lise porte le patronyme de Zimmer qui signifie chambre en alsacien (voir ci-dessus). Preuve s’il en était besoin qu’elle est alsacienne pure souche. Cela se prononce normalement si tu es français et Tsimmer si tu es germanophile. Ces différences de prononciations linguistiques ont provoqué le suicide de Sissi, célèbre impératrice Australopithèque ou Austro-Hongroise au retour d’un voyage en France au cours duquel on se moqua d’elle à chaque fois qu’elle se présentait aux balcons des palais français : Guten Tag, ich bin la Sissi ! Et la foule de répondre hilare : Vive le Zizi ! Alors bon. Personnellement, je ne suis pas germanophile : je ne comprends rien à leur langue. Numéro de chambre se dit zimmernummer, c’est logique. Alors que robe de chambre se dit morgenmantel, voir bademantel, c’est stupide.

Passions

Lise a de nombreuses passions. Je passe sur la première : Novagora. Je n’ai toujours pas compris comment on peut réussir à participer à un tel projet aussi jeune.

Le dessin : on a vu le résultat. Je ne reviens pas dessus. Pour les cours de dessin à Novagora, on va devoir trouver autre chose pour nos enfants si l’on veut en faire des Jérôme Bosch, des Pieter Brueghel, ou des Dali (qui les pilla sans vergogne), mais sans LSD, bien que je ne sache pas si le LSD existait au XVIème siècle. Il faudra que je me documente, mais à la vision de ces tableaux, cela ne fait presque aucun doute.

Le bricolage : pareil. C’est Lise qui a repeint l’école en violet, sous LSD donc, et qui a installé l’étagère Ikea, là, celle qui menace de tomber sur nos zenfants quand ils veulent attraper le bouquin en haut, voir figure 1 juste à côté. Heureusement, la responsable Sécurité, Maëlle veille aux graines, zut, au grain. S’cuse, mais à force de picorer dans la basse-cour, je déraille et je fais une fixation. Nos enfants peuvent donc escalader en toute sécurité ce meuble incertain. Ah oui, il n’y a pas de figure 1, je dessine trop mal. Je ne suis pas Lise. J'ai donc pris une photo à la place.

Cuisiner : Lise est un vrai cordon bleu (végétal comme il se doit). Capable avec trois germes et quelques herbes de te mitonner un apéro pour 25 personnes. De préférence fakirs et soudanais, généralement plus frugaux, mais c’est quand même une sacrée performance. Je me rappelle aussi d’une soupe maison parfumée au coriandre qui me réconcilia avec les légumes et qu’elle avait gentiment cuisinée avec de la verdure de récupération, en ayant pris soin d’enlever les moisissures et les parties pourrites. C’est du moins ce que j’espère. Nous la partageâmes goulûment, tentant de trouver quels ingrédients Lise avait utilisés. Il n’y avait pas de crème fraîche ni de fond de veau, j’en suis presque certain.

Chiner : Pour Cindy, ce fût l’Australie et ses Kangourous (voir son portrait là : Portrait de Cindy) pour une année, comme un voyage initiatique. Pour Lise, c’est la Chine. Cette passion pour ce pays m’étonne. Mais il est vrai que les chinois chinent beaucoup, c’est logique. Et la chine, c’est un mode de vie particulier. Responsable et économique. 75% de mes enfants pratiquent cet art vestimentaire et j’avoue une certaine fierté à l’idée que mon fils Pierre vienne de s’acheter un pantalon à deux balles à la brocante de Schlitigheim, tandis que mon autre fils Gabriel vient de claquer une balle pour une splendide chemise d’occasion avec un trou au coude gauche mais avec les manches retroussées, ça passe. Chiner plutôt que se vêtir made in China, voilà qui est vertueux. Merci à Lise pour sa contribution à la sauvegarde de notre très belle planète.

Agîsme : Lise adore écouter ses grands-parents parler de leur jeunesse et raconter leurs aventures buissonnières dans ces écoles non démocratiques mais républicaines de leur époque qui avaient pour vocation l’accès à la culture pour le plus grand nombre. Et gratuitement. Ce n’était pas si mal. Dans ces établissements, on pouvait pratiquer l’école buissonnière, c’était trop bien. A Novagora, ce n’est pas possible de faire le mur ce qui est très dommage. Les enfants peuvent en effet sortir librement de l’école. C’est bien aussi, mais on ne vibre pas de la même façon, avec cette angoisse de l’interdit qui pimente la scolarité. Du coup, certains enfants font du parkour, autre façon de (se) faire le mur. Ou de se le prendre quand on rate son coup.

Minimalisme. Lise mène une vie très minimaliste et son mode de vie est alternatif. Comme le courant. Et comme l’Ecole Démocratique, vers laquelle nos enfants courent à toute berzingue tous les matins depuis plus d’un an. La plupart des gonzesses adorent la mode. Pareil pour Lise, mais avec ce soupçon vintage qui trahit la fréquentation de friperies, ressourceries et autres magasins basse consommation. Déplacement en vélo ou en tramway. Nourritures surtout célestes et pour les autres en vrac ou d’occasion. Le moins possible de déchets et hopla, elle minimalise Lise. S'cuse, je commence à bégayer.

Restons branchés et alternatifs question musique. L’électro, Lise, pouf-pouf, ’est sa musique préférée juste après la musique de chambre de Liszt (ZimmerLise en hongrois), je crois que j'atteins des sommets.

Caractère

Discrètes et révolutionnaires contradictoires, les Lise sont ne parlent pas pour ne rien dire et seulement quand c’est leur tour de parole, ce qui démontre une fois de plus qu’elles ne sont pas si révolutionnaires que ça. Elle porte ses convictions Lise comme certains portent leurs valises, c’est pour la rime et c’est très nul. Elle les partage sans qu’on s’en aperçoive toujours. Elle vit ce qu’elle dit, et vit ce qu’elle dit, y compris pendant les séquences de météo, alors que moi, pas du tout. Je crois qu’elle est passionnée par l’aventure Novagoresque et qu’elle aime nos enfants. Nul doute que cela est réciproque.

Pour finir, sachez qu’au masculin, le Lise est un laboratoire de recherche du CNRS et du Cnam qui rassemble près de 130 chercheur.euse.s, enseignant.e.s-chercheur.euse.s, chercheur.euse.s associé.e.s et doctorant.e.s en sociologie, économie, sciences politiques, ergonomie, sciences de gestion et sciences juridiques, très inclusives apparemment. Preuve qu’il n’écrivent pas que des conneries absconses, ils ont publié l’ouvrage suivant : « La dynamique des prises de décisions : délibération et consensus ». On va ajouter ce bouquin dans l’étagère Ikea installée par Lise. Si elle ne s’est pas effondrée d’ici là (l'étagère, pas Lise, sinon, on est mal). On travaille en effet sur la gouvernance du Conseil des Parents, et la démocratie, c'est pas tous les jours fastoche.

Personnellement, je préfère Lise au féminin. Mais comme elle n'est pas Directrice, je lui préfère Cindy, voire Claire. Ou Maëlle et son petit carnet rouge très intrigant. Cela me rappelle le sanguinaire Mao, il va falloir que je prenne sur moi pour faire son portrait.